Musiques pour la Chandeleur

Prochain Concert d'Ad Limina le dimanche 31 janvier à 17h30 à l'église Saint-Pierre de Gaillard avec un nouveau programme autour de la fête de la Chandeleur: chant grégorien, polyphonies de la Renaissance, création de "Chandeleur" pour 6 voix de femmes et percussion: poème de Marie Noël, musique de Nicolas Hafner.

Ensemble vocal féminin Ad Limina - François Torche, percussion

Entrée libre - libre participation aux frais. Organisation: Les Nouvelles Heures Musicales de l'église Saint-Pierre de Gaillard / F-74240 Gaillard

Présentation

La fête de la Présentation de Jésus au Temple intervient quarante jours après celle de la Nativité du Seigneur. La fixation de Noël au 25 décembre canonise le 2 février. La fête est même parfois désignée par cette seule date. On la nomme aussi “Chandeleur”. Cʼest la plus ancienne des fêtes de Marie, placée jusquʼà la réforme liturgique de Paul VI, sous le thème de la Purification de la Très Sainte Vierge.

Une fête judéo-chrétienne

Ces quarante jours entre Noël et la Chandeleur sont dʼordre rituel. Et ce rituel est juif. Cette période est celle où lʼaccouchée doit vivre dans lʼisolement quand elle a donné naissance à un individu mâle. Dans le cas dʼune fille, la durée est double. La montée au Temple et le sacrifice auquel elle donne lieu mettent fin à cette situation et effectuent la “purification” rituelle.

De quoi une femme qui a enfanté doit-elle se “purifier” ? Elle est tenue pour “impure” parce quʼelle a perdu du sang, que la sortie du nouveau-né lʼa grand-ouverte sur des intrusions qui ont pu la souiller, et quʼelle a côtoyé la mort. Car donner la vie, à lʼépoque de Marie, cʼest souvent risquer de perdre sa propre vie. Même celle qui a échappé à la mort en couches est censée avoir contracté cette “impureté” que la mort porte avec elle.

Marie et Joseph sont des juifs pieux de stricte observance. Ils sont soumis à la Loi. Et, circoncis, leur premier-né est présenté au Temple, comme tous ses semblables. Jésus enfant est un bon Juif.

Une fête spécifiquement chrétienne

Mais le récit que lʼEvangile selon St Luc nous fait de cet épisode met en scène des personnages qui transforment en événement singulier cette cérémonie standard et, somme toute, banale. Le vieillard Siméon et la prophétesse Anne proclament la portée de cette venue de Jésus au Temple : Lumen ad revelationem gentium : “Une Lumière (“La” Lumière !) est révélée aux Nations”. Siméon peut chanter son Nunc dimittis : “Maintenant tu peux laisser aller ton serviteur... Mes yeux ont vu ton salut...” Et Anne peut renchérir mais aussi prévenir Marie du “glaive qui lui transpercera le coeur”. Un drame universel sʼannonce, sous le signe de la Lumière offerte à tous. Mais, pour lʼinstant, lʼéclat de cette Lumière est encore bien faible. Pas plus que la lueur dʼune chandelle.

Une fête d'origine païenne

Le transfert de Noël au 25 décembre, date du solstice dʼhiver et des fêtes qui le célébraient, entraîne le choix du 2 février pour commémorer la Purification de Marie. Est-ce lʼeffet du hasard ? Februarius chez les Romains, cʼest le “mois des purifications”. Les “Fébruales” sont les journées de février qui y sont consacrées. On y sacrifie à Junon, réputée pour relever les parturiantes de leurs couches. Februo veut dire “purifier”.

Mais la première à devoir être purifiée, cʼest la Terre-Mère. Au coeur de lʼhiver, la Terre se repose et se prépare au renouvellement printanier. Il lui faut être dans les meilleures conditions possibles, neuve et “pure” avant les semailles.

Cʼest aussi en février quʼavaient lieu à Rome les fêtes des Lupercales, au cours desquelles deux jeunes hommes, symbolisant Romulus et Remus, les jumeaux fondateurs de Rome, sacrifient un bouc dans la grotte où ils sont censés avoir été nourris par une louve, puis courent les rues de Rome, armés de lanières confectionnées avec la peau de la bête. Ils en fouettent les femmes qui désirent être fécondes dans lʼannée. Au Ve siècle, le Pape Gélase supprime la tradition des Lupercales pour remplacer cette fête par une Festa candelarum qui donne son nom à la “Chandeleur”.

Pour faire disparaître une tradition païenne, Gélase en rejoint deux autres. Cʼest dʼabord le rite celte de la purification de la terre, célébré en lʼhonneur de la déesse Brigid le 1er février, au cours duquel les paysans, porteurs de flambeaux, parcouraient les champs en procession “priant la déesse de purifier la terre avant les semailles” .

Mais cʼest aussi une réminiscence de la mythologie gréco-romaine qui décrit Déméter, la Terre-Mère, partant, une chandelle à la main, à la recherche de sa fille Perséphone, déesse de la lumière, enlevée par Hadès, le dieu des enfers et de leur obscurité. Février nʼest-il pas le mois où commence à être observable le retour de la lumière et la sortie de la ténèbre hivernale ?

Et les crêpes de la Chandeleur nʼont-elles pas une forme et une couleur solaires, même si leur origine est sans doute dʼavoir été dʼabord destinées à utiliser lʼexcédent de farine de blé avant les semailles dʼhiver ?

"Chandeleur"

Le poème de Marie Noël, dont la mise en musique par Nicolas Hafner sera “créée” ce soir, restitue admirablement ce caractère doublement religieux de la Chandeleur. Il rejoint le caractère universel, profondément humain, voire cosmique, de la fête, sa fondation archaïque dans les traditions celte ou romaine où se manifestent les grands thèmes et les grandes images qui traversent toutes les religions : lumière (avec ses variantes, de la chandelle au feu dʼartifice), ténèbres, soleil, terre, fécondité, purification, eau lustrale, processions, semailles, vie et mort.

En même temps, il donne la valeur centrale à la scène évangélique où se révèle un autrement de ces mêmes thèmes et de ces mêmes images, un autrement absolu que seuls les deux témoins ont pressenti et annoncé : Anne,“la vieille qui nʼa rien que le petit des autres”, Siméon “le vieux las et branlant dont le pas sʼensommeille...”

Le synopsis de ce programme, dont la présente Heure musicale assure la première audition, convie les auditeurs à assumer ce double héritage culturel, la richesse impressionnante de ses significations et de sa mise en musique aujourdʼhui et au cours des siècles.

Daniel Hameline réf. : Dominique Cadet - Chandeleur - Portail de la liturgie catholique. SNPLS, Paris.

Hanna Rosenblum - Lʼimpureté de lʼaccouchée - Le judaïsme moderne – Massorti.com.

Succès pour le concert du 31 janvier...

Ad Limina, Daniel Hameline, Nicolas Hafner et François Torche ont été longuement applaudis pour la création de "Chandeleur" et tout le concert

Dimanche, l'Heure Musicale, avec "Musiques pour la chandeleur", est allée au-delà des promesses en proposant chant grégorien et polyphonies et en prime la création de "Chandeleur": un concert d'exception par l'ensemble vocal féminin Ad Limina et François Torche aux percussions diverses, applaudis debout et rappelés plusieurs fois.

L'événement, annoncé par Daniel Hameline, réunissait six voix féminines parfaites, a capella, puis la création, sur un poème de Marie Noël d'une oeuvre de Nicolas Hafner, ont conquis l'église pleine. Chaque instant évoquait la "présentation de Jésus au temple, 40 jours après la Nativité", un cierge allumé à la main des "chanteresses" en procession. Février est "le mois du retour de la lumière, de la sortie des ténèbres".

Mise en musique et interprétation remarquables ont restitué le caractère religieux et festif, solennel et puissant du poème raffiné, paru en 1926, auquel Marie Noël accordait une place à part dans son oeuvre. Nicolas Hafner, que les fidèles des Heures musicales connaissent et apprécient pour ses improvisations a "entouré le texte très fort d'une musique qui l'a mis en valeur en ne l'édulcorant jamais".

Gilbert Taroni